Un zafu sous le ciel vide
«Ne recherchez pas le satori.
N'essayez pas de chasser les phénomènes illusoires.
Ne haïssez pas les pensées qui surgiraient, ne les aimez pas non plus et surtout ne les entretenez pas.
De toute façon, quoi qu'il en soit, vous devez pratiquer la grande assise, ici et maintenant.
Si vous n'entretenez pas une pensée, celle-ci ne reviendra pas d'elle-même.
Si vous vous abandonnez à l'expiration et laissez votre inspiration vous remplir en un harmonieux va-et-vient,
il ne reste plus qu'un zafu sous le ciel vide, le poids d'une flamme.»
Extrait du Komyozo zan mai de Maître Ejo (1198-1280)
Hier soir, lors de la méditation, j'ai vécu un état de grande plénitude tout à fait étonnant, une expérience de "vision sans tête".
Mon corps était parfaitement immobile, comme figé dans cette immobilité, mais non tendu.
Je sentais juste l'énergie le traverser , la pression des pouces l'un contre l'autre et le souffle l'habiter.
Mais ce corps, n'était plus mon corps, je n'étais plus "dedans". Mon regard s'étendait bien au-dessus de ce kimono noir immobile.
Le regard s'est fait vision, pure tranquillité, pure liberté. Et ce matin, la phrase de Maître Ejo m'a parlé particulièrement.
J'ai appris qu'il ne fallait pas s'attacher aux phénomènes qui se produisent en zazen.
Ne pas les fuir mais ne pas les poursuivre. Leur réserver le même traitement qu'aux pensées.
Mais qu'il est tentant parfois de les entretenir, de chercher les conditions pour qu'ils se reproduisent...
Car qu'est ce que cela signifie? Ces phénomènes portent-ils une part de vérité ?
Prouvent-ils une avancée quelconque, indiquent-ils un chemin à suivre?
Ou sont-ils à accueillir avec indifférence? Puisque tout est vacuité.
Je sais déjà que, lors de la prochaine assise, flottera le doux parfum, stable et paisible, de cette flamme légère...