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Sur le chemin de la simplicité ...
22 juillet 2016

Face au terrorisme, le testament spirituel d'un moine de Tibhirine

Le-massacre-des-innocents

«L'Islam, pour moi, c'est autre chose, c'est un corps et une âme.»
Frère Christian de Chergé

Tandis qu'une âme perdue a massacré tant d'innocents à Nice la semaine dernière, ce massacre me renvoie à un autre, celui des moines de Tibhirine.
Il y avait chez ces hommes tant d'innocence, tant d'amour, tant de prière.

«Il existe une patrie de l'âme, qui transcende les religions, se moque des différences, des pays, des cultures.
C'est la part mystérieuse, la part sacrée de l'humanité.
Les moines de Tibhirine, et tous les moines chrétiens, en portent témoignage.
Ils sont l'or de l'Eglise.
Ils vivent, dans le recueillement, la solitude, le silence, les préceptes de l'Evangile.
Ils vivent selon l'amour.
Ils ont établi parmi les hommes, ici et maintenant le "Lieu de Dieu"»
Henri Brunel Petit livre de la sagesse des moines p.108

Alors je me replonge dans un des textes spirituels majeurs du XXe siècle: le testament spirituel de frère Christian de Chergé qui pressentait sa mort sous la barbarie absurde des islamistes, déjà !, il y a vingt ans.

Quel extraordinaire regard porté sur ce barbare qu'il ose appeler "l'ami de la dernière minute, qui n'aura pas su ce que tu faisais".

Il dévoile les sommets d'humanité dont sont capables les vrais chrétiens.

C'est Jésus vivant qui tenait la plume à ce moment-là!  

Je devine le douloureux chemin qu'auront désormais à parcourir ceux dont la vie des êtres aimés a été volée.
Le chemin des parents qui ont vu mourir leurs enfants un soir de fête.
Qu'ils trouvent la force de se relever, la force d'être dignes d'eux!
Qu'ils trouvent la paix et le "Lieu de Dieu" dans leur coeur.
Voilà la prière que j'adresse au ciel vide.

 

Testament spirituel de Christian de Chergé

«Quand un A-DIEU s'envisage...

S'il m'arrivait un jour - et ça pourrait être aujourd'hui - d'être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j'aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille, se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays.
Qu'ils acceptent que le Maître Unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal.
Qu'ils prient pour moi : comment serais-je trouvé digne d'une telle offrande ?
Qu'ils sachent associer cette mort à tant d'autres aussi violentes, laissées dans l'indifférence de l'anonymat.

Ma vie n'a pas plus de prix qu'une autre. Elle n'en a pas moins non plus.
En tout cas, elle n'a pas l'innocence de l'enfance. J'ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde et même de celui-là qui me frapperait aveuglément.

J'aimerais, le moment venu avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m'aurait atteint.
Je ne saurais souhaiter une telle mort. Il me paraît important de le professer. Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j'aime soit indistinctement accusé de mon meurtre. C'est trop cher payer ce qu'on appellera, peut-être, la « grâce du martyre » que de la devoir à un Algérien, quel qu'il soit, surtout s'il dit agir en fidélité à ce qu'il croit être l'Islam.

Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement.
Je sais aussi les caricatures de l'Islam qu'encourage un certain islamisme.
Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes.
L'Algérie et l'Islam, pour moi, c'est autre chose, c'est un corps et une âme. Je l'ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j'en ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l'Évangile appris aux genoux de ma mère, ma toute première Église. Précisément en Algérie, et, déjà, dans le respect des croyants musulmans.

Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m'ont rapidement traité de naïf, ou d'idéaliste : « Qu'il dise maintenant ce qu'il en pense ! »
Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité.

Voici que je pourrai, s'il plaît à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui ses enfants de l'Islam tels qu'Il les voit, tout illuminés de la gloire du Christ, fruits de Sa Passion investis par le Don de l'Esprit dont la joie secrète sera toujours d'établir la communion et de rétablir la ressemblance en jouant avec les différences.

Cette vie perdue totalement mienne et totalement leur, je rends grâce à Dieu qui semble l'avoir voulue tout entière pour cette JOIE-là, envers et malgré tout.
Dans ce MERCI où tout est dit, désormais, de ma vie, je vous inclus bien sûr, amis d'hier et d'aujourd'hui, et vous, ô mes amis d'ici, aux côtés de ma mère et de mon père, de mes sœurs et de mes frères et des leurs, centuple accordé comme il était promis !
Et toi aussi, l'ami de la dernière minute, qui n'aura pas su ce que tu faisais.
Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet "À-DIEU" envisagé de toi.
Et qu'il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s'il plaît à Dieu, notre Père à tous deux.

AMEN ! Inch'Allah ! »

Alger, 1er décembre 1993
Tibhirine, 1er janvier 1994

Christian

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