Impermanence: mes humeurs sans moi
Une scène, un spectacle se joue, les acteurs sont tous là avec leur répertoire banal,
"Tristesse, silence cassant, blessures secrètes, espoir, joie, tendresse..."
Dans la salle, la magie ne prend pas. Pas de réaction. La spectatrice est blasée.
"Tendresse, joie, espoir, blessures secrètes, silence cassant, tristesse..."
L'enthousiasme des acteurs est douché. Leur jeu sonne faux.
Au milieu des difficultés à être deux, une braise avait enflammé mon coeur dans un grand feu d'espoir.
Coeur léger, joie virevoltante.
Et puis voilà que la flamme est soufflée, une averse inattendue noie et la joie et l'espoir.
Légère et souriante, ou silencieuse et déçue, ces états que je traverse, qui me traversent me laissent profondément inaltérée.
Je n'y crois plus trop à ces humeurs. Je les observe à distance, blasée, presque amusée.
Ces montagnes émotionnelles me traversent en mon absence.
Dois-je m'en inquiéter? Suis-je encore capable d'aimer?
«Moi, et mon jour de pleurs, n'étaient que des humeurs.
Maintenant c'est parti, ça a lâché prise.
Mon ressentiment était gonflé de colère, et s'est écoulé en larmes. Pourtant il contenait tout, mon être entier.
Tout du long, je savais que c'était ma création, que j'étais libre de m'en débarrasser, mais je n'y arrivais pas.
Moi, je, mon ego - c'était de l'humeur; maintenant c'est disparu et cet ego n'est plus.
Le "je" se transforme constamment. Il n'y a aucune "essence".
Hier, seule, je me sentais très heureuse, très en paix.
"Que me manque-t-il?" Rien, absolument rien.
Mais ceci est une humeur, également.
Comme elle est plus agréable, j'aimerais qu'elle soit plus réelle, plus vraie, permanente, en arrière-fond, mais cette humeur viendra et s'en ira, elle aussi.»
Maura O'Halloran Coeur pur page 127 éditions Actes Sud